jeudi 10 janvier 2013
L’ex-président dominicain Leonel Fernandez a visité, le mardi 8 janvier 2013, le campus Henri Christophe de Limonade que lui et son pays ont offert à Haïti après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. L’ancien président a profité de sa visite de près de trois heures pour offrir 13 000 ouvrages à la bibliothèque de l’université qui a ouvert ses portes, il y a environ trois mois. De son côté, l’Institut des Amériques, sous l’auspice de la France, veut aider Haïti à développer davantage l’économie du savoir.
Il est 8h25. L’avion, qui a quitté Port-au-Prince, il y a 25 minutes, vient d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport du Cap-Haïtien qui est en chantier. Les véhicules qui vont transporter les membres de la délégation de l’ambassade de France sont déjà là. Destination : Limonade. Une vingtaine de minutes de route, et ça y est.
En face du campus Henri Christophe, qu’illumine le soleil, une dizaine de marchands de fritures, entre autres, prennent place. La zone a l’air déserte. Le seul bâtiment en face de l’université est transformé en restaurant depuis l’ouverture de celle-ci. Un long banc pour servir les étudiants. « On n’a pas le choix, la cafétéria du campus n’est pas encore fonctionnelle », lance un étudiant qui vient d’acheter deux pâtés pour débuter sa journée.
10 h 00. Un hélico de couleur rouge atterrit dans la cour du campus. A bord, l’ex-président de la République dominicaine, Leonel Fernandez. Deux minutes après, deux autres appareils viennent se poser au même endroit. Ils transportent les autres membres de la délégation dominicaine, dont l’ambassadeur de la République dominicaine en Haïti, Ruben Silié Ramirez. Souriant, l’ancien chef d’Etat, accueilli par le président du conseil de gestion du campus, le professeur Jean-Marie Théodat, et des élus locaux, se dirige vers l’amphithéâtre où sont massés des centaines d’étudiants qui attendent. Ils sont pour la plupart âgés de 18 à 23 ans.
Une table, des chaises pour les invités, un pupitre pour les micros. Tout y est pour que commence la cérémonie. Le professeur Théodat prend la parole. Les micros sont muets. Les speakers ne sont même pas encore là. Jean-Marie Théodat est révolté. « C’est une honte pour nous. J’ai demandé que tout soit prêt à 10 heures (…) Nous, les Haïtiens, nous sommes toujours en retard », tempête-t-il.
Avant même que les speakers n’arrivent, le professeur Théodat, en maître de cérémonie et animateur, commence la cérémonie. Une véritable compétition vocale pour se faire entendre. Jean-Marie Theodat circonscrit l’événement. Il encense l’ancien président dominicain qui a fait don de ce joyau à Haïti. Et, même s’il n’est plus chef d’Etat, Leonel Fernandez semble cultiver l’esprit de suivi. Il montre tout son intérêt pour ce campus.
Il y a deux ans, il était là pour poser la première pierre de la construction de ce campus. L’année dernière, il a marqué sa présence à l’inauguration, et cette année, quatre jours avant la troisième commémoration du séisme, l’ex-président est venu garnir la bibliothèque de l’université : 13 000 ouvrages transportés dans un camion offerts par un groupe distributeur de livres basé aux Etats-Unis, le groupe Follett. L’Unesco, de son côté, a également fait don de quelques ouvrages.
« Je suis très heureux d’être de nouveau avec vous aujourd’hui (..). L’université n’est pas seulement des bâtiments, mais elle doit promouvoir des échanges », indique l’ancien chef d’Etat dominicain qui voit d’un bon œil la future coopération de l’Institut des Amériques avec l’Université Henri Christophe de Limonade. Selon M. Fernandez, qui a reçu une gerbe de fleurs à son arrivée, ce partenariat permettra d’améliorer la qualité de l’éducation, de créer des opportunités et de développer l’intelligence.
Le président de l’Institut des Amériques, Jean-Michel Blanquer, conduit par le chargé d’affaires de l’ambassade de France en Haïti, Dominique Delpuech, est de cet avis. L’institut qu’il dirige veut aider Haïti à développer l’université de Limonade. « Je suis émerveillé de voir tout ce qui a été déjà réalisé en si peu de temps », confie M. Blanquer.
« L’Institut des Amériques a pour vocation de travailler avec les universités haïtiennes en général, et avec le campus de Limonade en particulier sur des choses qui correspondent à des besoins de formation pour Haïti. Nous sommes venus constater aujourd’hui et voir comment concevoir des cursus en commun », explique le président de l’IdA.
Même si l’université est un don de la République dominicaine, la France s’implique dans ce projet en fournissant une assistance technique. « Haïti et la République dominicaine doivent travailler ensemble. Et nous, la France, nous allons vous aider à vous ancrer dans l’économie du savoir », déclare M. Delpuech devant les étudiants.
Selon Dominique Delpuech, sa présence a une « portée symbolique indéniable ». « Nous voulons montrer au peuple haïtien qu’autant que la République voisine est à ses côtés, nous aussi, nous sommes à ses côtés, souligne-t-il. La France apportera son savoir-faire à travers cette assistance technique et également un plus avec la présence de Jean-Michel Blanquer qui va monter une coopération pour développer l’économie du savoir. »
Ça ne va pas encore…
Par ailleurs, du côté des étudiants, ça ne va pas encore. Ils sont fiers d’entamer leurs études supérieures dans un beau campus, mais les conditions de vie ne sont pas encore réunies. Problème de transport, de cafétéria… et une carence de professeurs pour dispenser certains cours. Les trois autobus offerts par la République dominicaine au campus sont pour l’instant à la disposition des professeurs et du personnel administratif.
« Un étudiant qui habite à Ouanamithe doit payer 150 gourdes comme frais de transport par jour pour venir au campus. C’est très dur », se désole un étudiant peu après la cérémonie officielle.
« Le transport nous coûte cher. C’est un grand problème pour la majorité des étudiants ici. Il y a des étudiants qui abandonnent déjà leurs études, rien que pour cette situation », indique, pour sa part, Witphar Vixamar, qui compte étudier la médecine.
Les choses ne marchent pas encore tout à fait bien. Il n’y a que quatre cours qui sont définitifs jusqu’à maintenant. « Nous voulons que la cafétéria fonctionne et qu’il y ait des autobus pour le transport des étudiants, c’est très important », lance, de son côté, Jean Boston Garçon, originaire de Pilate, qui vit chez un ami au Cap-Haïtien.
Le campus reste un chantier
Le président du conseil de gestion dudit campus est au courant et est conscient de tous les problèmes auxquels sont confrontés les étudiants. D’ici un mois, la situation, promet-il, s’améliorera. « Le campus reste un chantier. Même si nous avons des cours et des professeurs, il y a beaucoup de choses que nous n’avons pas encore », affirme le professeur Théodat.
« Plutôt que de laisser le chantier fermé avec personne dedans, nous avons décidé de l’ouvrir et de travailler quand même », dit-il.
Selon le professeur, des ateliers académiques sont organisés au profit des étudiants pour combler le vide de certains cours qui ne sont pas encore dispensés. Et, en ce qui a trait au transport, le président du conseil de gestion dudit centre universitaire révèle qu’un accord va être signé avec la compagnie d’autobus Dignité pour transporter les étudiants à un prix dérisoire.
« C’est progressivement que nous allons monter en puissance. J’espère que d’ici un mois, tous ces soucis, en matière de transport, cafétéria et d’encadrement, seront derrière nous », assure Jean-Marie Théodat, qui est logé dans un hôtel au Cap-Haïtien en attendant la construction des dortoirs qui, selon lui, devraient être prêts dans trois mois.
Ils sont 2 000 qui font partie de la première promotion d’étudiants dudit campus. Dans un premier temps, ils étaient 1 500, mais face à la pression de certains particuliers et des autorités, dont des parlementaires, pour considérer le cas de leurs proches après la publication des résultats du concours d’admission, les responsables ont décidé de donner la chance à 500 autres postulants qui ont obtenu les meilleures notes.
« Nous avons vraiment une répartition nationale. Les étudiants viennent de tout le pays : de la Grand-Anse, des Nippes, de l’île de la Gônave… », se réjouit le professeur Jean-Marie Théodat.
La grande majorité des étudiants est toutefois originaire du Grand Nord. N’ayant pas accès à l’Université d’Etat d’Haïti, les jeunes de la région optent souvent pour des études en République dominicaine. Pour Rean Rooby Luma, qui a terminé ses études secondaires depuis trois ans, c’est une grande joie pour lui de pouvoir enfin entrer à l’UEH après de vaines tentatives. C’est un rêve qui est concrétisé pour ce jeune dont la maman est une petite commerçante et le père un chômeur.
Voir en ligne : http://www.lenouvelliste.com/articl...